Ça se passe dans la lumière presque albe des pierres de tuffeau, à Bourgueil, entre Angers et Tours, rive droite de la Loire, à cette heure où la matinée piétine. Vincent qui prend le temps, ses 20 hectares de vignes partout alentours. Il a 59 ans, vigneron qui se tient droit, héritier du domaine des Geslets.
Avant, il travaillait seul sur l’exploitation avec ses salariés. Avant, Sylvie, sa dame, était préparatrice en pharmacie au village. Il dit : « Elle voyait que plus ça allait, plus je peinais. On n’avait plus de vie. Mes soirées et mes week-ends étaient consacrés à la paperasse, à l’administratif. » Quand ce n’était pas les gros salons, parfois du mercredi au dimanche où tout le monde se retrouvait sur la route. « Elle posait des vacances pour venir avec moi. À la fin, il ne lui restait plus grand-chose de congés. »
Il lui disait que ce serait bien si elle le rejoignait à plein temps sur l’exploitation. Il est impatient de nature mais il ne voulait pas forcer la main non plus parce que c’est le meilleur moyen que tout parte de travers. Il voulait tout partager avec elle, se sentait sur un fil. Sylvie le savait bien. « Elle a hésité parce qu’elle n’était pas du milieu. Comment trouver sa place, son équilibre au sein d’une exploitation familiale sur laquelle mes parents travaillaient encore un peu avec moi ? C’était délicat. »
« J’ai réduit mon activité salariée, puis j’ai démissionné »
Sylvie y est allée doucement. Parce qu’elle se posait aussi la question de sa position là-dedans. Et parce qu’elle est issue d’une famille nombreuse, élevée par une génération au sein de laquelle la maman demandait l’argent au papa. En héritage : les mises en garde de deux de ses sœurs, qui lui disaient « et ton indépendance, notamment financière ? ». Elle ne vivait pas les choses comme ça.
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Un pas après l’autre, donc : « J’ai attendu que notre deuxième fille soit à l’école primaire », raconte Sylvie. C’était au début de ce siècle. « Je suis alors passée…