Accompagné par son épouse Brigitte Macron et une pléthorique délégation de ministres, patrons d’entreprise, intellectuels ou personnalités du spectacle, le président français a été salué à sa descente d’avion à l’aéroport de Rabat-Salé par une longue poignée de main du monarque, en costume sombre et s’appuyant sur une canne, au son de la fanfare de la garde royale et de 21 coups de canons.
Les deux chefs d’État ont ensuite rejoint le palais royal à bord d’une voiture d’apparat à travers les rues de Rabat pavoisées aux couleurs de la France. Par le toit ouvrant, ils ont salué la foule qui les acclamait le long du trajet, et se sont arrêtés pour un bref bain de foule.
Après un tête-à-tête, ils ont signé une déclaration sur un « partenariat d’exception renforcé » censé concrétiser la réconciliation.
Le cabinet royal a évoqué, dans un communiqué, « le passage vers une nouvelle ère des relations fortes entre le Maroc et la France ». Mohammed VI a accepté l’invitation à se rendre à son tour en visite d’État en France – elle pourrait intervenir dès 2025.
Vingt-deux contrats et accords ont ensuite été signés en leur présence sur le transport ferroviaire, l’hydrogène vert (TotalEnergies), l’eau, le secteur portuaire (CMA CGM), l’éducation ou encore la protection civile.
Avec ceux qui seront conclus mardi, ces contrats commerciaux, investissements et prêts portent sur un montant global allant « jusqu’à dix milliards d’euros », a annoncé l’Élysée, sans entrer dans le détail.
Il est notamment prévu que le groupe français Egis participe à la réalisation du deuxième tronçon de la ligne de train à grande vitesse Tanger-Marrakech. Alstom va aussi y prendre part en négociant la fourniture de 12 à 18 rames de trains à grande vitesse, selon des sources concordantes.
Pas moins de neuf ministres français sont du voyage, dont ceux de l’Intérieur Bruno Retailleau, de l’Economie Antoine Armand, de l’Éducation nationale Anne Genetet et de la Culture Rachida Dati, d’origine marocaine.
Les dirigeants d’autres groupes français sont aussi présents, dont Suez ou Veolia.
Le monde culturel est également à l’honneur, des écrivains Tahar Ben Jelloun et Leïla Slimani à l’humoriste Djamel Debbouze et l’acteur Gérard Darmon, en passant par l’intellectuel Bernard Henri-Lévy et la comédienne Arielle Dombasle.
« Cause sacrée »
Les deux dirigeants entendaient tirer un trait sur une série de contentieux, des soupçons d’écoutes téléphoniques d’Emmanuel Macron à la diminution par deux du nombre de visas accordés aux Marocains en 2021-2022 pour pousser Rabat à reprendre ses ressortissants en situation irrégulière expulsés de France.
La priorité donnée par le président français à l’Algérie après sa réélection en 2022 avait aussi jeté un froid.
L’ex-colonie espagnole du Sahara occidental, considérée comme un « territoire non autonome » par l’ONU, oppose depuis un demi-siècle le Maroc aux indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par Alger.
Après la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur ce territoire par Washington, Rabat a multiplié les pressions sur la France pour qu’elle en fasse autant.
Ces multiples secousses ont sans cesse conduit à repousser la visite d’État d’Emmanuel Macron, après un premier déplacement en 2017 et un autre en 2018.
Le président français a finalement opté en juillet pour un réchauffement avec le Maroc, où la France compte d’importants intérêts économiques, en se déclarant pour une solution au Sahara occidental « dans le cadre de la souveraineté marocaine ».
« La cause du Sahara est une cause sacrée au Maroc », a estimé lundi Tahar Ben Jelloun sur France Inter. Selon lui, Emmanuel Macron « ne peut pas être ami avec les deux », Algérie et Maroc.
Sur l’immigration, sujet épineux qui devrait être évoqué mardi, le nouveau gouvernement français veut contraindre le Maroc à reprendre ses ressortissants arrêtés en situation irrégulière. Mais après la crise des visas, Paris promet d’avancer dans un esprit de dialogue.
« Dans les pays d’origine de l’immigration en France, le Maroc est à la première place », a souligné l’ex-préfet et figure du parti de droite Les Républicains Patrick Stefanini sur la chaîne BFMTV, tout en espérant que cette visite ne se traduise pas non plus « par une dégradation forte de nos relations avec l’Algérie ».