Le gouvernement Legault ordonne la tenue d’une enquête administrative sur l’organisation chargée de mettre en œuvre sa réforme de la consigne sur les contenants de boisson, en qui il a perdu toute confiance, et repousse à 2027 l’élargissement de la consigne aux bouteilles de verre et contenants multicouches, a appris La Presse.
Accumulation des retards, engagements non respectés, manque de transparence : la gestion de l’Association québécoise de récupération des contenants de boissons (AQRCB), l’organisme créé par les acteurs de l’industrie des boissons pour gérer la réforme de la consigne, sera scrutée à la loupe.
L’AQRCB s’est vu notifier jeudi matin le déclenchement de l’enquête à son sujet, et recevra un subpoena pour la contraindre à transmettre au gouvernement toute une série de documents, dont ceux qu’elle aurait déjà dû lui transmettre en vertu de ses obligations, ainsi qu’une multitude d’autres.
« L’enquête administrative va révéler les failles » qui ont fait en sorte que la seconde phase de l’élargissement de la consigne, prévue le 1er mars, se dirigeait vers un mur, a déclaré le ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, Benoit Charette, dans une entrevue avec La Presse.
« On avait de sérieuses inquiétudes face à cette date qui arrive à grands pas », a-t-il ajouté, évoquant notamment le nombre de lieux de retour Consignaction « constamment revu à la baisse ».
De quelque 400 prévus à l’origine, la cible avait été réduite à 200, puis à moins d’une centaine, plus tôt cet automne.
Les chiffres qu’on a présentement nous laissent plutôt entendre qu’ils seraient autour d’une trentaine, le 1er mars, ce qui est largement, largement insuffisant.
Benoit Charette, ministre de l’Environnement
Moins perceptible pour le grand public, la conclusion d’ententes par l’AQRCB avec des fournisseurs et des sous-traitants, ou encore avec les restaurateurs et les commerces d’alimentation était très laborieuse, déplore Québec.
« On a des échos de partenaires disant que c’est très difficile d’avoir l’information juste de la part de l’AQRCB », indique le ministre Charette.
Les discussions étaient notamment difficiles avec l’AQRCB en raison de conflits de personnalité impliquant sa direction, ont indiqué à La Presse au cours des derniers mois des sources au sein d’entreprises gravitant autour du système de consigne, qui ont demandé l’anonymat par crainte de représailles de l’AQRCB.
Verre et multicouches repoussés à 2027
Faisant le constat que le système « serait dans une très mauvaise posture au 1er mars » et que les gens risqueraient d’être incapables de se faire rembourser la consigne payée sur certains contenants, le ministre Charette a accepté à contrecœur de décaler encore une fois une partie de sa réforme.
Ce n’est donc qu’en 2027 que les contenants de verre encore non consignés, comme les bouteilles de vin, de spiritueux ou d’eau, de même que les contenants multicouches comme ceux de lait et de jus, seront assujettis à la consigne, parce que ces contenants présentent respectivement des enjeux d’équipement et de salubrité.
L’élargissement du 1er mars ne concernera donc que les contenants de plastiques qui ne sont pas encore consignés, comme les bouteilles d’eau.
« On sera quand même à 80 % de l’objectif », se console le ministre Charette, expliquant que le verre et le multicouche représentent 20 % du volume de contenants visés par sa réforme de la consigne.
Le ministre se défend d’avoir attendu à la dernière minute pour agir, soulignant avoir multiplié les rencontres avec l’AQRCB et ses partenaires depuis la fin de l’été pour faire débloquer les choses.
La date du 1er mars constituait déjà une concession de Québec, qui avait accédé à la demande de l’AQRCB et des détaillants en alimentation d’élargir la consignation en deux phases plutôt qu’en une seule étape, comme prévu initialement.
Recyc-Québec à la rescousse
Québec a soupesé l’idée de retirer à l’AQRCB la gestion de la consigne, mais y a renoncé parce que la création d’un nouvel organisme responsable en vertu du principe de « responsabilité élargie des producteurs » (REP) aurait impliqué les mêmes acteurs, a indiqué à La Presse une source proche du dossier, mais qui n’était pas autorisée à en parler publiquement.
Il n’y a toutefois « pas de porte fermée » à ce que cette solution soit retenue au terme de l’enquête, indique le ministre Charette, qui ajoute qu’« il faut y aller par étapes ».
La Société québécoise de récupération et de recyclage (Recyc-Québec) offrira toutefois ses « services » à l’AQRCB pour l’aider à réaliser son mandat, ce qui pourrait se traduire par du prêt de personnel et de l’« accompagnement » au quotidien.
Les autres systèmes de gestion basés sur la REP, comme la collecte des matières recyclables, la récupération des peintures, des piles, des produits pharmaceutiques ou encore des appareils électroniques fonctionnent tous bien, souligne le ministre, qui exclut donc que la réglementation entourant sa réforme de la consigne ait été mal conçue.
« Au niveau de la REP, dit-il, c’est la seule qui a été problématique. »
Contactée par La Presse, l’AQRCB n’a pas réagi dans l’immédiat.
En savoir plus
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- 5 milliards
- Quantité annuelle de contenants consignés qui seront retournés après l’élargissement de la consigne, en 2027, soit le double d’avant la réforme
source : ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs