Il y a 25 ans et 16 jours, les Bleus signaient à Twickenham en demi-finale de la Coupe du monde leur plus inattendue, leur plus incroyable victoire face aux Néo-Zélandais (43-31). Souvenirs, souvenirs…
Même à une heure aussi avancée, les sentiers de la gloire interdisent la discrétion. Cette silhouette dans la nuit londonienne, même voilée d’un pardessus qui rappelle une époque du rugby français à peine révolue, attend sereinement son cab sans pouvoir se défaire d’une poignée de supporters comblés comme jamais dans tous les sens du terme. Christophe Dominici, un des héros du “miracle”, n’est plus de notre pauvre monde, ni Jonah Lomu, le seul Black cet après-midi-là à Twickenham à avoir résisté à la tempête bleue qu’aucun météorologiste n’avait osé prédire.
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On affirme même, un quart de siècle plus tard, que certains bookmakers refusaient carrément de prendre en compte une victoire tricolore donnée à plus de vingt contre un par leurs collègues ! “Domi” sourit et se demande, lucide, dans le fog épaissi par la troisième mi-temps, si son équipe ne vient pas de “gagner” un peu trop tôt la Coupe du monde, si elle n’a pas, du coup, hypothéqué toute chance de dominer l’Australie en finale le samedi suivant…
Fabien Galthié écarté, rappelé et décisif
Les envoyés spéciaux les plus touchés n’ont pas hésité à écrire que l’on venait d’assister au plus grand match de rugby de tous les temps. D’autres ont même quitté le cadre du rugby pour installer sans attendre la rencontre au sommet des exploits du sport national. Il faut rappeler que notre vaillant XV dirigé par Skrela et Villepreux (et aussi par les joueurs pour finir) brillait par une dernière place au Tournoi des V Nations et venait de prendre une mémorable branlée en Nouvelle-Zélande (7-54). Avoir gagné le droit de jouer les Blacks sur l’avant-dernière manche mondiale aurait dû suffire à leur bonheur, mais ce dimanche-là, morts de peur, de faim, d’envie et de… vie, ils ont dit non. Ils sont allés chercher pour l’éternité cette victoire interdite, cette performance collective insoupçonnée.
Les Blacks pris d’entrée, maintenus à flot par deux exploits de Lomu et le sifflet très motivé de l’Écossais Jim Fleming (13 pénalités à 1 avant la pause !), pas par Andrew Mehrtens très maladroit ce jour-là, ont viré en tête (17-10) avant de douter puis de tout perdre. Nous avons conservé la feuille de route prévisionnelle fournie par le staff néo-zélandais à la presse, après deux lignes d’introduction pour préciser le programme en cas de qualification, le chemin était tracé jusqu’au retour au pays (1). Mais il y a eu, en quatre-vingt-dix secondes, ces deux drops de Titou Lamaison merveilleusement servi par Fabien Galthié (écarté par le sélectionneur qu’il n’a pas ménagé par la suite, il n’a été rappelé qu’avant les Fidji au Stadium avant de jouer un rôle majeur dans le succès des Français). Le Briviste, après une percée de Dominici lancé par Galthié, avait claqué plus tôt le premier essai pour la France, bien démarqué par Dourthe.
La fausse joie de Bernat-Salles, les yeux de Kronfeld
Ensuite, la fausse joie de Bernat-Salles sur une relance de Benazzi profitant d’un… coup de pied d’Olivier Magne, les pénalités de l’ouvreur (dont une, pour revenir à 24-19, sanctionnant une faute du monstrueux Josh Kronfeld qui ne voyait plus très clair, allez savoir pourquoi…) et l’autre pour hors-jeu (24-22). Trois points d’écart, trois petits points pour fracasser les portes de l’impossible rêve.
La “prise de tête” a été signée… Christophe Dominici après un bijou au pied de… Galthié (24-29). Confirmation après une humiliation adverse sur un groupé pénétrant et une inspiration de Titou bonifiée cette fois par Richard Dourthe. Vous en voulez encore ? On s’en doute, alors suivez Magne qui pousse au pied (Deschamps et Desailly visitant leurs amis dans leur résidence de Slough avaient peut-être converti l’Auvergnat !) et alerte Bernat-Salles, pas pour rien cette fois mais pour un quatrième essai, transformé bien sûr par qui vous savez auteur d’un sans-faute et de 28 points.
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Les All Blacks présumés intouchables viennent d’encaisser 33 points en une demi-heure, autant que durant toute la Coupe du monde ! Ils tombent, et de haut, et auront beaucoup de mal à s’en remettre, sans savoir qu’ils devront revivre un jour la même désillusion (en 2007, en quart cette fois, à Cardiff, vêtus d’un étrange maillot gris). L’exploit va expédier le Toulousain de Narbonne Frank Tournaire (il y avait aussi Garbajosa, Soulette, Pelous, Ntamack, sans oublier en face Kelleher, future star des Sept-Deniers, les Columérins Galthié et Dal Maso, le Castrais… Mola…) à la une de Paris-Match. Une première pour un rugbyman.