Discorde entre pays donateurs et pays émergents
Après plus de dix heures d’âpres débats nocturnes, Susana Muhamad, la ministre colombienne de l’Environnement qui présidait la conférence, a pris la décision de suspendre les négociations, le nombre de délégués s’étant considérablement réduits lorsque les débats se sont prolongés dans la nuit.
L’objectif de cette seizième conférence annuelle des parties (COP) sur la biodiversité concernait le financement de l’accord de Kunming-Montréal que les 196 pays membres de la Convention sur la diversité biologique (CDB) ont adopté il y a deux ans. Il prévoit de placer 30 % des terres et des mers dans des aires protégées d’ici 2030, ou encore de réduire de moitié les risques des pesticides.
« La discorde entre les pays donateurs et les pays en développement peu avant la suspension de la réunion n’est malheureusement pas surprenante, mais certainement décevante », juge Bernadette Fischler Hooper du WWF. « Les pays sont divisés depuis des années et n’ont pas réussi à trouver une solution qui convienne à tous. Cependant, le fait d’attendre plus longtemps pour prendre la décision indispensable sur le fonds dédié à la Convention sur la diversité biologique menace la réalisation des objectifs 2030 en matière de nature. »
« Gros échec » sur les financements
Des avancées ont tout de même été réalisées, notamment sur le statut des peuples autochtones et de leur rôle de gardiens de la nature au sein des négociations des Nations unies sur la biodiversité, ce que les associations environnementales ont célébré.
Néanmoins, l’échec sur la question des financements est « le gros échec pour la présidence colombienne », estime Arnaud Schwartz, vice-président de France Nature Environnement (FNE). Interrogé par franceinfo samedi 2 novembre, il a regretté que les participants aient « créé un fonds mais le mécanisme qui est censé l’alimenter, ils n’ont pas réussi à se mettre d’accord dessus ».
Le Brésil soutenait la proposition colombienne de créer un nouveau fonds pour la nature, tandis que l’Union européenne, le Japon et le Canada y sont restés fermement opposés, rappelle franceinfo. Arnaud Schwartz relativise néanmoins concernant cet échec : « ce n’est pas parce que cet accord-là, cette année, à cette COP16 à Cali est en grande partie un échec qu’on ne peut pas agir au niveau local et au niveau national ainsi qu’au niveau européen ».
La fausse bonne solution de la compensation
De son côté, les Amis de la Terre International dénoncent l’attitude des entreprises pendant les négociations, qui ont fait pression pour que « de fausses solutions » soient adoptées, en particulier la solution de « la compensation de la biodiversité ». Pour la fédération environnementale, « les entreprises ont trouvé des moyens d’éviter la réglementation dans la politique et dans la pratique ».
Les entreprises « affirment qu’elles peuvent continuer à s’implanter dans de nouveaux territoires et à détruire ces écosystèmes, en promettant qu’elles les compenseront », reproche Nele Marien, coordinatrice du programme Forêts et Biodiversité des Amis de la Terre International. « C’est tout simplement impossible, car nous n’avons pas assez d’espace dans le monde pour compenser ces pertes. La compensation de la biodiversité est un mécanisme qui perpétue la destruction, sape les droits de l’homme et porte atteinte à la justice environnementale », s’alarme-t-elle.
« Nous sommes fatigués de voir les entreprises s’emparer des espaces où les peuples devraient s’exprimer », complète Mariann Bassey, des Amis de la Terre Nigéria. Pour Linda González, de l’antenne colombienne de la fédération, « les solutions à la crise de la biodiversité résident dans la reconnaissance de la dette historique et écologique des pays du Sud et dans le besoin urgent de réparations. Cette question n’a pas été abordée lors de la COP 16 ».