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Le Parlement s’est ressaisi ce mercredi 23 octobre du sensible dossier calédonien avec un vote unanime du Sénat pour reporter les élections provinciales de l’archipel jusqu’en novembre 2025 au plus tard, une promesse de Michel Barnier qui fait quasiment consensus de Paris à Nouméa, dans une volonté d’apaisement.
Plongée dans une crise profonde depuis le printemps, la Nouvelle-Calédonie s’apprête à obtenir un délai d’un an pour préparer sereinement le renouvellement des assemblées de ses provinces et de son Congrès, qui devait initialement se tenir avant le 15 décembre 2024.
Crucial dans un territoire où les provinces exercent de nombreuses compétences, ce scrutin, déjà reporté une première fois cette année, devra avoir lieu au plus tard le 30 novembre 2025, selon la nouvelle date butoir retenue par le Sénat avec le soutien du gouvernement. L’Assemblée nationale se prononcera, elle, le 6 novembre.
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« Nous sommes sur un point de bascule et il ne faut pas rater ce moment absolument important », a lancé le ministre des Outre-mer François-Noël Buffet, de retour d’un déplacement sur le « Caillou ». Ce délai doit permettre de « donner à la Nouvelle-Calédonie un projet global qui l’inscrive dans son avenir », a-t-il insisté. Signal positif pour le gouvernement : les élus du Congrès de Nouvelle-Calédonie ont voté mardi à la quasi-unanimité un avis en faveur de ce report.
L’exécutif a « cassé en quelques jours 36 ans de paix sociale »
Pressé par le temps, le gouvernement n’a eu d’autre choix que de s’appuyer sur un texte d’opposition – d’initiative socialiste – pour faire aboutir ce report, un engagement du Premier ministre Michel Barnier lors de sa déclaration de politique générale.
« Nous aurions pu retirer le texte, mais en conscience et en responsabilité, nous allons aider le gouvernement à mettre en œuvre une position qui est juste », a estimé le chef des sénateurs socialistes Patrick Kanner, refusant néanmoins de donner tout « blanc-seing » à l’exécutif.
Le sénateur du Nord a fustigé la méthode de l’ancien gouvernement, coupable selon lui d’avoir « cassé en quelques jours 36 ans de paix sociale » en soumettant en mai une réforme constitutionnelle ultrasensible sans accord négocié préalablement par les camps loyaliste et indépendantiste de l’archipel.
Le même état d’esprit d’apaisement a parcouru les rangs de la chambre haute ce mercredi à Paris : « L’urgence n’est plus simplement d’organiser des élections, mais aussi de restaurer la possibilité même d’un débat démocratique apaisé », a reconnu le sénateur non-indépendantiste de Nouvelle-Calédonie, Georges Naturel (LR).
« Il va falloir se retrouver et se regarder de nouveau en face, se reparler, reconstruire et réapprendre à vivre ensemble », a prolongé son homologue indépendantiste Robert Xowie, affilié au groupe communiste, le seul à s’être abstenu sur le texte.
La question explosive de l’élargissement du corps électoral
Consensuel, ce texte reste néanmoins lié à une question politique beaucoup plus sensible : celle de l’élargissement du corps électoral propre au scrutin provincial – gelé depuis 2007 – au risque selon les indépendantistes de marginaliser le peuple autochtone kanak.
Ce dossier, au cœur de la réforme constitutionnelle examinée au printemps et abandonnée par Michel Barnier, avait déclenché les pires émeutes depuis 40 ans dans l’archipel, faisant 13 morts et plusieurs milliards d’euros de dégâts.
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A ce jour, seuls les natifs du « Caillou » et les résidents arrivés avant 1998 peuvent participer à ce scrutin local, une situation jugée antidémocratique par le camp loyaliste. Cette dérogation aux principes d’égalité du suffrage est jugée « excessive » par le Conseil d’Etat, faisant peser le risque d’annulation du prochain scrutin si celui-ci se tenait sans modification du corps électoral.
Mission de concertation de Larcher et Braun-Pivet
D’où l’urgence d’une reprise du dialogue, en vue d’un accord institutionnel global qui intégrerait en son sein la question du corps électoral. « Il faut tirer les conséquences des erreurs du passé : tout faire pour que les Calédoniens trouvent ensemble la voie d’un destin commun avec un État actif mais impartial », plaide le sénateur LR Philippe Bas, corapporteur sur le texte.
C’est tout l’objet de la mission de concertation qui sera menée du 9 au 14 novembre par les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale, Gérard Larcher et Yaël Braun-Pivet. Avec un objectif, « voir comment nous pouvons rouvrir le dialogue avec toutes les parties pour essayer de déterminer une feuille de route », a détaillé Yaël Braun-Pivet à l’AFP.
Une mission « technique » doit par ailleurs se rendre rapidement dans l’archipel pour « travailler sur la reconstruction », a promis François-Noël Buffet, tandis qu’une délégation interministérielle à la Nouvelle-Calédonie doit également voir le jour.