L’opposition pro-européenne de ce petit pays du Caucase, composée de quatre principales alliances, affronte samedi prochain le parti conservateur au pouvoir, le Rêve géorgien, accusé par ses détracteurs de dérive autoritaire prorusse et de faire dérailler le projet de Tbilissi d’adhérer à l’Union européenne.
Dans les rues du centre de Tbilissi, la capitale, de nombreux manifestants sont venus avec des drapeaux géorgiens et de l’Union européenne, a constaté un journaliste présent sur place. D’autres brandissent, dans la nuit, des pancartes sur lesquelles est inscrit : « La Géorgie choisit l’UE ». La foule a convergé vers la place de la Liberté à l’appel de plusieurs ONG qui veulent « montrer leur détermination à poursuivre le chemin de l’adhésion » à l’UE.
De récents sondages ces derniers jours semblent indiquer que l’alliance d’opposition pourrait remporter le 26 octobre suffisamment de voix pour vaincre le Rêve géorgien, le parti du milliardaire Bidzina Ivanichvili. À 68 ans, il tient en sous-main les rênes du pouvoir depuis une dizaine d’années, sans occuper de fonction gouvernementale.
Les résultats seront scrutés de près à Bruxelles, au moment où les dirigeants européens craignent que la Géorgie ne s’éloigne de son ambition d’adhérer à l’UE. L’objectif d’une adhésion européenne est pourtant inscrit dans la Constitution de cette ancienne république soviétique.
La présidente pro-européenne, Salomé Zourabichvili, en rupture avec le gouvernement mais qui dispose de pouvoirs très limités, avait planté le décor début octobre dans un entretien : « Nous avons un quasi-référendum sur le choix entre l’Europe ou le retour à un passé incertain russe. »
En face, l’oligarque et ancien Premier ministre Bidzina Ivanichvili critique régulièrement l’Occident et a appelé ses partisans à voter pour son parti du Rêve géorgien, pour « choisir entre l’esclavage et la liberté, la soumission aux puissances étrangères et la souveraineté, la guerre et la paix ». Le gouvernement a indiqué qu’il interdirait les partis d’opposition pro-Occidentaux si le Rêve géorgien obtient une majorité suffisante pour faire voter cette mesure.
Jeunesse mécontente
Le scrutin du 26 octobre, l’un des plus importants dans le pays depuis la chute de l’URSS selon des observateurs, intervient après plusieurs vagues de contestation antigouvernementale à l’initiative notamment de la jeunesse.
En mai, des manifestants sont massivement descendus dans la rue contre une loi sur « l’influence étrangère », critiquée en Occident car inspirée d’une législation russe sur les « agents de l’étranger » utilisée pour réprimer les voix dissidentes. Bruxelles a gelé dans la foulée le processus d’adhésion de la Géorgie à l’UE et les États-Unis ont imposé des sanctions à des responsables géorgiens accusés d’avoir autorisé une « répression brutale » des manifestants.
Tbilissi a réagi en menaçant de « revoir » ses relations diplomatiques avec Washington. Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, s’est récemment inquiété du « glissement » de la Géorgie « vers l’autoritarisme », qualifiant le scrutin de « test crucial ».
La Russie, acteur historique dans le Caucase, partage près de 1 000 kilomètres de frontière avec la Géorgie. M. Ivanichvili y a fait fortune à la chute de l’URSS avant de revenir en Géorgie au début des années 2000. Signe de l’enjeu, le Kremlin a accusé mardi dernier les Occidentaux d’ingérence « non dissimulée » dans les prochaines élections.