Plus d’un siècle après sa disparition au large de l’Antarctique, une célèbre épave gisant à 3000 mètres de profondeur révèle enfin une partie des secrets de la tristement célèbre expédition Shackleton. Le magazine National Geographic a publié récemment des images époustouflantes de l’Endurance générées grâce au travail de chercheurs de l’Université McGill.
L’épave du voilier Endurance, qui a sombré en 1915, a été retrouvée en 2022 à trois kilomètres de profondeur, dans la mer de Weddell, située dans l’est du continent de glace. Elle était très bien conservée parce que l’endroit où le navire a coulé est un plateau où se trouvent très peu de sédiments et où – grâce aux courants marins, à la pénombre perpétuelle et au froid – il y a très peu de vers se nourrissant de bois.
Avant le départ de l’expédition pour retrouver l’épave, l’entreprise mauricienne Deep Ocean Search avait reçu le mandat de la Fondation du patrimoine maritime des Malouines de planifier une vaste prise d’images. « Deep Ocean Search s’est tournée vers Voyis, une entreprise de Waterloo en Ontario qui est spécialiste des caméras sous-marines », explique James Richard Forbes, ingénieur mécanique de l’Université McGill. « Nous avions un partenariat depuis 2017 avec Voyis parce que nous sommes spécialistes de la navigation autonome des drones. »
En six mois, l’équipe de M. Forbes a mis au point un système de navigation pour le drone.
Il fallait circuler autour de l’épave, prendre tous les angles, et aussi situer les prises de vue par rapport à l’épave. Le travail de reconstitution de l’image de l’épave, qui consistait à fusionner toutes les images, a été grandement facilité par la navigation très précise du drone.
James Richard Forbes, professeur agrégé de génie mécanique à l’Université McGill
Grâce aux technologies de McGill et de Voyis, le drone n’a eu besoin que de quelques jours pour prendre les images qui ont mené à la confection du « photogramme » de l’épave.
L’expédition Shackleton
À la fin de 1914, l’explorateur anglo-irlandais Ernest Shackleton prend la tête de l’Expédition impériale transantarctique. À bord de l’Endurance, il tente de devenir le premier à traverser le continent en passant par le pôle Sud, un exploit qui n’a finalement été réalisé qu’en 1958.
Conçu au départ comme un yacht pour le tourisme arctique norvégien, l’Endurance était fait de bois très solide pour résister aux glaces. Mais cela n’a pas suffi et il a coulé en novembre 1915, six mois après avoir été emprisonné dans les glaces.
Shackleton a alors établi un campement sur les glaces, espérant pouvoir marcher jusqu’à une île. En avril 1916, il a lancé ses canots de sauvetage et atteint l’île de l’Éléphant après cinq jours de navigation, avec ses 28 hommes d’équipage. Ensuite, il est parti avec quelques hommes sur un canot pour atteindre l’île de Géorgie du Sud, à 700 milles nautiques de là.
Arrivé à destination, il a dû traverser l’île à pied pour atteindre le port de Stromness, une marche de 36 heures à travers montagnes et glaciers. De là, des secours sont partis récupérer le reste de l’équipage sur l’île de l’Éléphant en août 1916.
Une première expédition en 2018 n’avait pas réussi à trouver l’épave de l’Endurance. En 2022, le drone de l’expédition l’ayant finalement localisé a dû voyager 160 km avant d’y parvenir, à moins de quatre milles nautiques de l’endroit où elle avait coulé.
Inspections sous-marines
Les technologies développées pour photographier l’Endurance ne seront pas seulement utiles pour croquer des épaves. Elles serviront aussi à faire l’inspection des infrastructures sous-marines, selon M. Forbes.
La liste des infrastructures pouvant en bénéficier est longue : tuyaux et pipelines, piliers des ponts et des centrales éoliennes en mer, quais des ports. « Si on peut faire des inspections plus régulières parce qu’elles coûtent moins cher qu’une inspection humaine, la sécurité des infrastructures est accrue », résume le professeur de McGill.
Face à ces succès, un programme de recherche fédéral qui finance depuis 2017 le partenariat de Voyis avec l’équipe de M. Forbes vient d’être prolongé.
« Pour la navigation du drone, nous avons utilisé des scanners laser et des instruments appelés vélocimétrie Doppler [l’effet Doppler décrit notamment le fait qu’une ambulance qui s’approche a un son plus aigu que lorsqu’elle s’éloigne] et navigation inertielle, dit M. Forbes. L’objectif est maintenant d’intégrer d’autres instruments, notamment un sonar pointant vers l’avant. »
Regardez la bande-annonce du film Endurance de National Geographic (en anglais)
Qui était Ernest Shackleton ?
Né en 1874 dans une famille de fermiers anglais en Irlande, Ernest Shackleton a fait sa première expédition en Antarctique en 1901.
Comme le Norvégien Roald Amundsen avait battu les Britanniques en parvenant au pôle Sud le premier en 1911, Shackleton a décidé d’être le premier à traverser le continent. Mais l’Expédition impériale transantarctique a tourné court avec le naufrage de l’Endurance.
Ernest Shackleton est retourné en Antarctique en 1921, mais est mort de crises cardiaques non traitées en 1922 dans l’île de Géorgie du Sud.
Shackleton a un lien avec le Canada : le navire à bord duquel il est mort, le Quest, a sombré en 1962 près du Labrador, lors d’une expédition de chasse au phoque.
En savoir plus
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- 10 millions US
- Coût de l’expédition Endurance22 qui a trouvé l’épave de l’Endurance
Source : Fondation du patrimoine maritime des Malouines