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Data Qu’importe les enquêtes d’opinion au niveau national, la présidentielle américaine, qui se tient cette année le 5 novembre, se jouera sans doute dans sept Etats pivots où les écarts se sont resserrés ces derniers jours entre le républicain et la démocrate.
Trois sondages, trois scénarios : le 8 octobre, NBC News place Kamala Harris à égalité avec Donald Trump avec 48 % des intentions de vote. Le lendemain, Rasmussen Reports donne Donald Trump en tête à 48 %, devançant la démocrate de deux points (46 %). Le 11 octobre, enfin, CBS News dessine un plan inverse, avec Kamala Harris devant le républicain (51 % contre 48 %). Bienvenue dans la jungle des enquêtes d’opinion outre-Atlantique, à trois semaines de la présidentielle américaine !
De quoi perdre le spectateur français, habitué de surcroît à un scrutin relativement simple, direct et uninominal à deux tours, quand l’élection du locataire de la Maison-Blanche, qui se déroule cette année le 5 novembre, est indirecte, à un seul tour… mais surtout, rappelons-le, se joue à l’échelle des Etats !
Au niveau national, Trump à la peine
Pour un électeur français, le sondage national constitue, en effet, un phare dans la nuit électorale. C’est beaucoup moins le cas pour le scrutin américain, en raison des différents instituts (et de leurs éventuels biais politiques) mais également des réalités politiques propres à chacun des 50 Etats (et au district de Columbia, lui aussi représenté au collège électoral), plus complexes à percevoir avec des enquêtes se limitant à quelques milliers de sondés.
C’est pourquoi nous avons décidé, au « Nouvel Obs », de tenter d’atténuer ces oscillations en utilisant les chiffres de deux plateformes américaines qui se sont spécialisées dans l’agrégation de sondages : RealClearPolling, dépendant du site d’information politique RealClearPolitics, plutôt classé du côté républicain, en particulier depuis 2017, et FiveThirtyEight (538, étant le nombre de grands électeurs qui forment le collège électoral lors de la présidentielle américaine), rattaché à ABC News, penchant probablement légèrement à gauche. Leurs résultats divergent quelque peu. Nous pouvons évidemment y voir une influence de leur orientation politique, mais les deux agrégateurs ont aussi des méthodes de calcul différentes et ne reprennent pas forcément les mêmes instituts de sondage. FiveThirtyEight, notamment, va pondérer les différents sondages en fonction de ceux réalisés par le passé par le même institut et les résultats finalement obtenus. Il prend également en compte l’orientation politique des sondeurs, etc.
Ses deux plateformes donnent actuellement Kamala Harris en tête, avec 48,9 % contre 47,2 % pour la première au 13 octobre (soit 1,7 point d’avance) et avec 48,5 % contre 46 % au 12 octobre pour la seconde (2,5 points d’avance).
Une avance confortable pour la démocrate qui remonte à la mi-août environ et qui ne semble pas se démentir depuis.
Si l’on peut, raisonnablement, en déduire que Kamala Harris devrait remporter le vote populaire, la jurisprudence « Clinton » ne peut que nous conduire à la prudence. En 2016, l’ex-candidate démocrate à la Maison-Blanche avait en effet remporté le plus de suffrages… mais s’était pourtant inclinée face à un certain… Donald Trump (un scénario qui, au total, s’est produit cinq fois dans l’histoire américaine).
Car l’élection américaine ne se joue pas au niveau national, mais à l’échelle de chaque Etat, dont la victoire permet au candidat de remporter un certain nombre de grands électeurs (nombre qui varie selon les Etats, de 54 pour la Californie à 3 pour le Wyoming), lesquels désignent ensuite formellement le président américain.
L’élection va se jouer dans sept « swing States »
Repenchons-nous alors sur les sondages, mais à l’échelle de chaque Etat… Globalement, les plateformes d’agrégation de sondages, comme les sites d’information, dessinent depuis des mois une situation similaire : Donald Trump l’emporterait dans 24 Etats, Kamala Harris dans 19 et dans le district de Washington. Seule différence notable : le Minnesota est considéré par RCP comme un Etat pivot, sans que l’on comprenne bien pourquoi car l’agrégateur donne à la démocrate près de 5 points d’avance sur le républicain dans cet Etat du Midwest dont son colistier, Tim Walz, est le gouverneur…
Sept Etats sont donc finalement présentés comme indécis. Ce sont les fameux swing States, qui peuvent basculer d’un côté comme de l’autre. Ils varient souvent entre deux scrutins, voire parfois au cours de la campagne. Cette fois, ils n’ont pas évolué depuis des mois…
En se basant sur les cartes précédentes, voici le nombre de grands électeurs que nous pouvons, fictivement, « attribuer » à chacun des candidats, selon les deux agrégateurs.
Quel que soit l’agrégateur, l’équilibre est presque parfait : au bénéfice de Donald Trump pour RCP (219 grands électeurs, contre 215 pour Kamala Harris) ou, au contraire, avec une légère avance de la démocrate pour ABC News (226, contre 219 grands électeurs pour le républicain). Reste 104 ou 93 grands électeurs dans les swing States…
Les écarts se resserrent
Quelle est alors la situation actuelle dans ces fameux Etats pivots ? Evacuons d’emblée le cas du Minnesota. Pour les sept autres Etats, les deux agrégateurs affichent désormais des écarts minimes, ne dépassant jamais plus d’un point (exception faite de l’Arizona, en faveur de Trump, pour 538). Nous sommes plus que jamais dans la marge d’erreur des sondages. Néanmoins, les deux plateformes s’accordent pour attribuer l’Arizona, la Géorgie et la Caroline du Nord au milliardaire républicain, quand ils ne s’entendent que sur le Wisconsin en faveur de la démocrate…
Pour les trois autres Etats, les résultats diffèrent : RCP entrevoit un retournement de situation dans le Michigan et le Nevada en faveur de Donald Trump et une victoire sur le fil du républicain en Pennsylvanie, quand 538 envisage plutôt une victoire d’une courte tête de Kamala Harris dans ces trois Etats…
Evidemment, le scénario final n’est pas le même : avec les chiffres de RCP, Donald Trump l’emporterait largement, avec 302 grands électeurs contre 236 seulement pour Kamala Harris. L’histoire prendrait un tournant différent si les résultats collent aux estimations de 538, puisque l’actuelle vice-présidente de Joe Biden serait la première femme noire élue présidente des Etats-Unis, avec 276 grands électeurs contre 262 pour le républicain.