Quelle est l’avancée britannique ?
L’utilisation d’un médicament appelé benralizumab pour les patients qui arrivent aux urgences avec une crise d’asthme ou d’obstruction pulmonaire chronique réduit de 30 % les rechutes.
Le benralizumab est aussi beaucoup moins dommageable que le traitement actuel, les corticostéroïdes, affirme Richard Russell de l’Université Oxford, l’un des auteurs de l’étude publiée cette semaine dans la revue scientifique Lancet Respiratory Medicine.
Consultez l’étude publiée dans The Lancet Respiratory Medicine (en anglais)
« Les corticostéroïdes augmentent le risque de diabète et d’ostéoporose et font prendre du poids, indique le Dr Russell. Si on en prend seulement cinq fois, pour cinq visites aux urgences avec une crise respiratoire, on arrive à la dose maximale recommandée pour toute la vie. »
Spécialiste de l’asthme et de la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) au Centre universitaire de santé McGill (CUSM), Jean Bourbeau qualifie la découverte d’« avancée majeure ». « Ça fait 50 ans qu’on traite les visites aux urgences pour des crises d’asthme ou de MPOC de la même façon. »
Le benralizumab étant déjà utilisé, son approbation pour ces crises pourrait survenir d’ici cinq ans, selon le Dr Russell. Il s’agit d’un « anticorps monoclonal », un traitement « biologique » qui cible des cellules du système immunitaire appelées éosinophiles, impliquées dans l’inflammation des poumons.
Quel est l’avantage pour les patients ?
Le traitement est plus efficace et réduit les nouvelles hospitalisations, souligne le Dr Russell. « Le benralizumab a très peu d’effets secondaires négatifs. »
Il faut, par contre, vérifier si le dosage (trois fois plus élevé que pour les applications actuelles du benralizumab) sera aussi sécuritaire, précise-t-il.
Mais attention, le benralizumab ne pourra pas aider tous les patients. « Il faut que ce soit une crise impliquant les éosinophiles, explique le Dr Russell. Ça représente la moitié des crises d’asthme et 30 % des crises de MPOC. »
Quelles sont les applications actuelles du benralizumab ?
Il est utilisé depuis une dizaine d’années pour traiter l’asthme sévère non contrôlé. Dans cette utilisation, il est pris à intervalles réguliers – dans certains cas, une fois toutes les huit semaines – pour éviter que des patients aient des crises.
L’autrice principale de l’étude, Mona Bafadhel de l’Université Nuffield, a découvert, il y a 15 ans, que certains patients ont un type d’asthme ou de MPOC impliquant les éosinophiles. « Donc, on a commencé à cibler les éosinophiles dans la gestion quotidienne de ces maladies, pour éviter les crises », raconte le Dr Russell.
Mais les quelques « traitements biologiques », comme le benralizumab, utilisés pour traiter l’asthme de type « éosinophilique » sont très chers, ce qui empêche leur utilisation généralisée, selon le Dr Bourbeau. Le coût d’un traitement régulier peut dépasser 20 000 $ par année, signale-t-il.
« Il faut un à trois mois pour faire approuver leur utilisation par la Régie de l’assurance maladie du Québec [RAMQ] pour un patient pour l’asthme », soutient le Dr Bourbeau.
Les traitements biologiques ne sont pas encore approuvés pour gérer la MPOC sévère, pour éviter les crises, mais le Dr Bourbeau a pu en prescrire à quelques patients dans des protocoles de recherche. « Ça a changé leur vie, dit-il. On parle de gens qui étaient toujours essoufflés, qui ne le sont plus. »
Le Dr Bourbeau ne peut fournir de statistiques sur la proportion des patients asthmatiques qui reçoivent des traitements biologiques. Pour sa part, le Dr Russell estime que 1,5 % des asthmatiques britanniques en reçoivent, mais que dans un monde idéal, cette proportion devrait être deux à trois fois plus élevée.
Quand pourra-t-on voir le benralizumab utilisé aux urgences pour des crises d’asthme ou de MPOC ?
Si une autre étude clinique confirme les résultats des Drs Russell et Bafadhel, il faudra changer les protocoles. « Actuellement, les patients en crise reçoivent souvent des traitements avant d’arriver aux urgences, par exemple dans une clinique, expose le Dr Bourbeau. Il faudra trouver une manière d’identifier les crises de type éosinophilique. Dans un contexte où on centralise les prises de sang, ça va être difficile. »
Le Dr Russell affirme qu’un test sanguin rapide peut détecter en quelques minutes si une crise respiratoire est de type éosinophilique. « Ce test pourrait même être fait à la maison », précise-t-il.
Autre problème, il faudra avoir du benralizumab sous la main, malgré son coût. « Étant donné le contrôle qu’on a actuellement sur ce médicament, ça va demander un changement organisationnel », prévient le Dr Bourbeau.
Le Dr Russell demeure toutefois optimiste. « Si on a moins d’hospitalisations, ça va être moins cher pour le système de santé, même avec ces médicaments très coûteux. »
Il mentionne la rhumatologie, un autre domaine médical où les maladies sont causées par l’inflammation, et où les médicaments biologiques sont utilisés couramment.
En savoir plus
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- 10 %
- Proportion de la population canadienne qui souffre d’asthme
Source : Asthme Canada
- 9 %
- Proportion de la population canadienne qui souffre de maladie pulmonaire obstructive chronique
Source : Association pulmonaire du Québec