En accès libre
Portrait Contempteur acharné de l’islam et de l’islamisme, critique virulent de Bouteflika et de ses successeurs, l’écrivain franco-algérien a été entendu par le parquet antiterroriste et placé sous mandat de dépôt, selon son avocat.
L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, arrêté en Algérie, a été entendu par le parquet antiterroriste d’Alger et a été placé sous mandat de dépôt, a annoncé ce mardi 26 novembre son avocat François Zimeray dans un communiqué envoyé à l’AFP. Boualem Sansal Sansal, « qui s’était rendu à Alger en confiance, est aujourd’hui placé en détention en vertu de l’article 87 bis du code pénal algérien qui réprime l’ensemble des atteintes à la sûreté de l’Etat, écrit l’avocat. La privation de liberté d’un écrivain à raison de ses écrits est un acte grave[…] quelles que soient les blessures invoquées et les sensibilités heurtées. »
1. Arrestation
L’écrivain franco-algérien de 75 ans a été interpellé le 16 novembre à l’aéroport d’Alger. Les motifs de son arrestation demeurent obscurs, mais Boualem Sansal pourrait payer ses déclarations sur le Sahara occidental, territoire disputé par le Maroc et l’Algérie. Dans « Frontières », il a défendu la position marocaine – aussi soutenue par la France –, ce qui pourrait lui valoir des accusations d’« atteinte à l’intégrité nationale ».
2. Camus
Le romancier est né à Belcourt, quartier populaire d’Alger, à 100 mètres de l’appartement où a vécu Albert Camus. L’auteur de « l’Etranger » a été l’un des premiers écrivains que Sansal a lus et admirés. « Aimé par les uns, détesté par les autres, Camus était dans une situation qui l’obligeait à modérer ses propos », nous disait-il en 2010.
A lire aussi
Chronique Libérer Boualem Sansal
Abonné
3. Guerre civile
Grand lecteur, Boualem Sansal se met à écrire durant la « décennie noire ». Son premier roman, « le Serment des barbares » (Gallimard), paraît en 1999. « Le Nouvel Obs » parle à l’époque d’« un réquisitoire féroce » contre le pouvoir algérien et l’héritage du FLN. En 2015, « 2084 : la fin du monde » (Gallimard), charge dystopique contre l’islamisme, reçoit le grand prix du roman de l’Académie française.
A lire aussi
Témoignage Mon Algérie, par Boualem Sansal, en 2021 : « Il ne revient pas aux politiques de dicter l’histoire, mais de l’entendre »
Abonné
4. Dissident
Expert en formules qui claquent, Sansal fustige Bouteflika, les intellectuels, la société algérienne. Il a aussi ardemment soutenu le Hirak, mouvement de contestation, en 2019. Certains de ses livres, comme « Poste restante : Alger » (Gallimard, 2006), sont censurés dans son pays, d’autres non. Malgré les menaces, il reste en Algérie, à Boumerdès.
5. Scientifique
Ingénieur, formé à l’Ecole polytechnique d’Alger, il intègre dans les années 1990 le ministère du Commerce, puis celui de l’Industrie, en tant que directeur général de l’Industrie et de la Restructuration. En 2003, il est démis de ses fonctions pour ses critiques.
6. Athée
Sansal s’est très tôt posé des questions sur les religions. « Je n’ai jamais atteint le stade de la foi », disait-il à « l’Express » en 2021. Se défendant des soupçons d’islamophobie, l’écrivain a toujours dit vouloir dénoncer « l’instrumentalisation de l’islam à des fins politiques et sociales ».
7. Jérusalem
En Algérie, personne ne lui a pardonné son voyage en Israël, en 2012. A son retour du Salon du Livre de Jérusalem, il écrit : « Je suis allé à Jérusalem… Et j’en suis revenu riche et heureux. » La presse algérienne se déchaîne alors contre ce « traître » vendu au « lobby sioniste ».
8. Résistance
Il répète souvent ce mot de l’écrivain Tahar Djaout : « Si tu parles, tu meurs ; si tu ne parles pas, tu meurs. Alors parle et meurs. » S’il n’a pas choisi le chemin de l’exil comme d’autres, c’est parce que « résister » hors d’Algérie n’aurait eu aucun sens selon lui.
9. Récupération
La droite et l’extrême droite (Eric Zemmour, Marine Le Pen) se sont montrées les plus promptes à réagir à l’arrestation de Boualem Sansal. L’écrivain, qui appartient au « comité d’experts » de la revue d’extrême droite « Frontières », étrille le wokisme et les migrants, et s’est rapproché, ces dernières années, de la mouvance réactionnaire.
10. Soutiens
Son ami, son « frère », Kamel Daoud, prix Goncourt 2024 pour « Houris » (Gallimard) et lui aussi dans le viseur d’Alger, a été l’un des premiers à prendre la plume pour le défendre. L’Académie française, mais aussi des prix Nobel de littérature, dont Annie Ernaux et J.M.G. Le Clézio, ont apporté leur soutien à Boualem Sansal et appelé à sa libération.