La France insoumise veut supprimer le délit d’apologie du terrorisme du Code pénal au grand dam de toute une classe politique outrée par cette proposition de loi. Même au PS, allié de circonstance des Insoumis, les dents grincent… Jusqu’à quel point ? Benjamin Morel, politologue, décrypte la situation.
La proposition d’abrogation du délit d’apologie du terrorisme par LFI pourrait être un point de non-retour pour le PS ?
Oui et non… On parle d’une proposition de loi qui n’est pas inscrite dans une niche et qui ne va pas figurer incessamment à l’ordre du jour. Donc on est sur un symbole politique brandi par les Insoumis. Mais à la différence par exemple de la question des retraites et du fait de revenir sur la réforme, ce que propose LFI, là, les socialistes ne vont pas être amenés à se prononcer dessus. Donc cela relève du signal envoyé à l’électorat et d’une obligation pour le reste de la gauche à se positionner. Mais en soi, si le NFP tombe, ce sera sur d’autres sujets que celui-ci.
Le PS, désuni depuis plusieurs mois, ne pourrait pas servir de cette polémique pour se rassembler contre LFI ?
Le problème n’est pas de savoir si les socialistes sont contents ou pas de leur sort. Le problème, c’est quelle est la situation stratégique du PS ? Ils sont dépendants électoralement des accords passés avec les Insoumis en 2022. De son côté, LFI pourrait survivre à une division du NFP en gardant une grande majorité de ses parlementaires. Ce qui ne serait sûrement pas le cas pour le PS. Leurs circonscriptions sont très fragiles et souffriraient d’un duel face aux Insoumis. Donc les députés socialistes peuvent ne pas être contents et peuvent juger que cette proposition de loi est un problème. Mais stratégiquement, c’est très compliqué pour eux de s’écarter du NFP. Jean-Luc Mélenchon le sait et il essaie d’imposer son autorité. Il se sert de ce genre de prise de position pour obliger les socialistes à entrer dans le rang du NFP. Les socialistes avalent des couleuvres. Mais il faut le faire pour que le parti survive, il faut qu’il ait le plus d’élus possible et qu’il puisse exister politiquement à l’Assemblée nationale.
Donc c’est inenvisageable que le PS décide de faire scission ?
Il y a deux choses qui pourraient les conduire à une vraie scission. Soit si l’on passe à la proportionnelle. Là, les calculs seraient rebattus parce que chacun partirait dans son couloir. Soit on a la certitude qu’Emmanuel Macron ne dissoudra pas l’Assemblée jusqu’à la prochaine présidentielle… Le problème, c’est que le président de la République avait juré avant les européennes qu’il n’y aurait pas de dissolution. On connaît la suite… Cette incertitude-là induit un blocage relatif.
La position d’Oliver Faure dans cette affaire est quelque peu sensible ? Entre les pro et anti NFP…
Olivier Faure est pris entre le marteau et l’enclume. Avec d’un côté Jean-Luc Mélenchon qui met le couteau sous la gorge des socialistes. Et de l’autre côté, il y a les socio-démocrates qui sont dans une logique de prise du pouvoir dans son parti. Donc, il y a aussi un jeu de posture à dessein de prise de contrôle politique. Ce qui se joue, au-delà de la position vis-à-vis de LFI, c’est évidemment qui contrôle le parti avec des positionnements et évidemment des calculs politiques personnels.
L’avenir du NFP s’assombrit-il avec ce genre de situation ?
Quand on parle du NFP, il faut toujours rappeler que c’est une alliance électorale. Même si elle est mise en sommeil notamment lors de distensions, elle demeure. Notamment parce qu’ils ont tous besoin les uns des autres. Donc ça, ça tiendra. À plus long terme, c’est la question de la candidature commune qui sera décisive. Autant lors des Municipales 2026, ça peut le faire majoritairement pour les Présidentielles 2027, ça paraît aujourd’hui complètement hors de portée. Pour Jean-Luc Mélenchon, LFI est une écurie présidentielle. Mais les partis, et surtout le PS, n’envisagent pas un soutien à Jean-Luc Mélenchon.