POLITIQUE – Seule contre tous. Avec sa proposition de loi visant à abroger l’apologie de délit de terrorisme dans le Code pénal, la France insoumise se retrouve une nouvelle fois isolée sur l’échiquier politique. Qu’il s’agisse de la droite, du gouvernement, et même au sein du Nouveau Front Populaire, le texte des députés LFI ne passe pas.
Le texte porté par le député du Nord Ugo Bernalicis a été déposé le 19 novembre à l’Assemblée nationale. Il prévoit d’abroger le délit pour apologie du terrorisme inscrit dans le Code Pénal en 2014 pour ne conserver que celui déjà prévu dans la loi de 1881. Ce, explique LFI, afin de lutter « des dérives » de plus en plus nombreuses notamment en termes de procédures judiciaires, et qui nuisent à la liberté d’expression.
Ce texte ne figure pas dans la niche parlementaire insoumise du 28 novembre et n’est pas inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée. Il a donc peu de chances d’être examiné. Auprès du Parisien, Ugo Bernalicis explique qu’il s’agit avant tout d’un « positionnement politique » du mouvement aligné sur les positions d’experts. Le mouvement de Jean-Luc Mélenchon évoque particulièrement l’ancien juge antiterroriste Paris Marc Trévidic, partisan du durcissement de la loi en 2014, et qui estime désormais qu’il « faudrait oser faire marche arrière » face à un « usage totalement dévoyé ». Mais sur l’échiquier politique, rare sont ceux à rejoindre cette ligne.
Migaud et Retailleau font bloc ensemble
À l’unisson, plusieurs responsables de divers bords ont évoqué le souvenir des attentats qui ont touché la France, de Charlie Hebdo et du Bataclan en 2015 aux assassinats de Samuel Paty et Dominique Bernard. La proposition de loi LFI revient à « ce que l’on puisse faire l’éloge du Bataclan (…) justifier les attentats », a accusé l’eurodéputé François-Xavier Bellamy sur CNews ce lundi – ce qui est faux, puisque de telles déclarations tomberont toujours sous le coup de la loi de 1881. Le président des députés Les Démocrates (MoDem) Marc Fesneau a lui rappelé le contexte dans lequel avait été votée cette loi, rappelant qu’elle « visait à élargir les capacités à agir sur l’apologie du terrorisme. »
La polémique est montée jusqu’au gouvernement, où le ministre LR de l’Intérieur Bruno Retailleau a fustigé une proposition « innommable ». Aligné, une fois n’est pas coutume, avec son collègue de la Justice Didier Migaud issu de la gauche. Le Garde des Sceaux s’est dit « résolument contre » l’abrogation du délit dans le Code pénal, soulignant que « la liberté d’expression n’a jamais tout permis, il y a des limites à cette liberté d’expression ».
LFI lâché par le PS
Auprès du Parisien, l’ancien président François Hollande sous le mandat duquel la loi a été votée a aussi défendu l’évolution législative. « Elle ne met pas en cause la liberté d’expression puisqu’elle renvoie explicitement au droit de la presse et laisse à la justice une faculté d’appréciation », a jugé celui quie est redevenu député PS. En accord avec la présidente de la région Occitanie ou le député de l’Essonne Jérôme Guedj, tous étant régulièrement en rupture avec la France insoumise.
Mais même au sein des défenseurs de l’alliance NFP, le texte ne passe pas. « Rien ne doit banaliser le terrorisme et son apologie. Nous ne soutenons pas la proposition » des insoumis, a très clairement déclaré le président du groupe PS à l’Assemblée Boris Vallaud dans Questions Politiques le 24 novembre. Il a été rejoint quelques heures plus tard par le Premier secrétaire du PS, le député de Seine-et-Marne Olivier Faure qui a déploré un texte qui « abroge purement et simplement le délit d’apologie du terrorisme » alors que « la définition demande seulement à être précisée pour en éviter les dérives. »
Faux, a répondu en substance le coordinateur national de la France insoumise Manuel Bompard ce lundi 25 novembre, regrettant que « le sens » de la proposition de loi soit « déformé » car réduite à l’abrogation du délit dans le Code Pénal en oubliant que les sanctions seraient toujours possibles en vertu de la loi de 1881.
Pour rappel, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ne mentionne pas explicitement le mot « terrorisme ». En revanche, elle punit bien d’une amende de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende toute personne ayant fait l’apologie de « crimes » divers, dont « crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des crimes de réduction en esclavage ». Selon la France insoumise et certains juristes, cette terminologie suffit à englober l’apologie du terrorisme. Le débat est donc ouvert mais n’aura peut-être jamais lieu.
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