En 1886, dans différentes villes des Etats-Unis, se déroula le premier championnat du monde d’échecs officiel qui vit le triomphe, par 10 victoires à 5, de l’Autrichien Wilhelm Steinitz face au Polonais Johannes Zukertort. Deux Européens. Depuis lors, chaque match pour le titre suprême a compris au moins un représentant issu du Vieux Continent. Cette « règle » va tomber sous peu après s’être appliquée pendant cent trente-huit ans.
En effet, en cette année 2024, le championnat du monde opposera pour la première fois deux Asiatiques : le champion du monde en titre, le Chinois Ding Liren, 32 ans, et le jeune Indien Gukesh Dommaraju, âgé de seulement 18 ans. Doté de 2,5 millions de dollars et principalement sponsorisé par Google – là aussi, une première –, le match se tiendra à Singapour en quatorze parties, dont la première est programmée lundi 25 novembre.
Les temps sont loin de la suprématie de l’URSS puis de la Russie sur les soixante-quatre cases. Le centre de gravité des échecs se déplace depuis un moment vers l’Asie, continent où le jeu est né. Le titre mondial décroché par Ding Liren en 2023, le premier obtenu par un Chinois, en a été le signal récent le plus flagrant. Mais on pouvait détecter bien avant un mouvement de fond quant au développement de la discipline dans les deux pays les plus peuplés du monde.
Les Chinoises ont détrôné les Soviétiques
La Chine a ainsi patiemment mis en place un système à la soviétique, avec une détection précoce des talents. Une politique qui a d’abord porté ses fruits chez les femmes. Dès 1991, Xie Jun mettait fin à l’hégémonie soviétique et devenait la première d’une longue liste de championnes du monde chinoises : Zhu Chen, Xu Yuhua, Hou Yifan, Tan Zhongyi et Ju Wenjun qui détient le titre depuis 2018. A ce jour, au classement féminin établi par la Fédération internationale des échecs (FIDE), les quatre premières places sont occupées par des Chinoises.
Côté indien, le pionnier et le moteur du développement des échecs a sans nul doute été Viswanathan Anand qui, après plusieurs tentatives infructueuses et notamment une défaite face à Garry Kasparov en 1995, a conquis la couronne mondiale en 2007. Il ne l’a cédée qu’en 2013 à celui qui est le plus prodigieux joueur de ce début de XXIe siècle, le Norvégien Magnus Carlsen.
Toujours actif – à 54 ans, « Vishy » Anand est 10e joueur mondial –, le « Tigre de Madras », comme on le surnomme, a inspiré de nombreux talents et on a assisté à une abondante floraison de grands maîtres indiens, dont les jeunes Gukesh Dommeraju, Erigaisi Arjun (21 ans) et Rameshbabu Praggnanandhaa (19 ans). Au dernier classement de la FIDE, publié début novembre, on comptait cinq Indiens dans les vingt premières places.
Il vous reste 55.02% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.