Majoritaires dans l’hémicycle, la gauche et le RN ont échoué jeudi à faire voter une loi proposant d’abroger la réforme des retraites, face à l’obstruction du camp présidentiel, auquel la France insoumise n’a eu de cesse de promettre la censure la semaine prochaine, dans une atmosphère particulièrement tendue.
Voici ce qu’il faut retenir de cette journée de débats à l’Assemblée nationale.
Échec de l’abrogation de la réforme des retraites
La France insoumise avait placé en tête des textes de sa « niche parlementaire » – la journée annuelle réservée à ses textes -, une proposition de loi visant à abroger la réforme de 2023 qui a reculé l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans.
Mais le texte n’a pu être voté, en raison de centaines d’amendements déposés par la coalition gouvernementale afin de ralentir les travaux qui devaient nécessairement se terminer à minuit, et de débats houleux marqués par de multiples rappels au règlement et suspensions de séance.
En fin d’après-midi, les partisans de l’abrogation avaient pourtant remporté une victoire symbolique : ils ont repoussé par 241 voix contre 100 des amendements par lesquels leurs collègues du « socle » gouvernemental voulaient vider le texte de sa substance. Cette « défaite cinglante pour le camp présidentiel » prouve qu’« il y a une majorité à l’Assemblée et dans le pays pour l’abrogation », s’était alors félicitée sur le réseau social X la députée LFI Clémence Guetté.
L’opposition dénonce l’obstruction et promet la censure
Les députés de gauche n’ont eu de cesse de dénoncer l’obstruction du camp macroniste, fustigeant un « sabotage indigne » ou des « méthodes de voyous ». Et ils ont juré de prendre leur revanche mercredi, en faisant tomber le gouvernement.
« La macronie est finie et […] le premier vote pour abroger réellement la réforme de la retraite à 64 ans, il est mercredi prochain, lors de la censure qui permettra à la fois de faire tomber le gouvernement Barnier mais aussi de défaire cette retraite à 64 ans dont personne ne veut », a réagi auprès de la presse la présidente du groupe LFI, Mathilde Panot, à l’issue des débats.
Pendant les débats, les macronistes ont tenu à rappeler que les Insoumis avaient eux-mêmes tout fait pour éviter un vote, lors de l’examen de la réforme des retraites en 2023. « C’est vous qui avez à l’époque voulu bloquer les débats, empêcher les votes ! », s’est exclamé le ministre du Budget Laurent Saint-Martin, observant que les « quelques centaines d’amendements » devant être examinés jeudi n’étaient rien en regard des 19 000 déposés par la gauche en 2023.
La cheffe de file du RN, Marine Le Pen, dont le groupe avait proposé un texte similaire lors de sa « niche » le 31 octobre, a dénoncé sur X des « manœuvres d’obstruction » à travers lesquelles « la macronie a fait ce soir un bras d’honneur au débat démocratique ». Mais elle s’en est aussi prise à la gauche, qui avait refusé de voter le texte du RN, « par pur sectarisme ».
Le Premier ministre Michel Barnier pourrait décider lundi de déclencher le 49.3 pour faire adopter sans vote à l’Assemblée le budget de la Sécurité sociale, s’exposant à une motion de censure de la gauche, et que le Rassemblement national menace de voter.
Incident et menaces entre députés
Lors des débats, les huissiers de l’Assemblée ont dû s’interposer entre plusieurs députés, à la suite d’un incident provoqué dans l’hémicycle par le député MoDem Nicolas Turquois, selon des sources parlementaires interrogées par l’AFP.
Selon ces sources, Nicolas Turquois est monté dans les travées au cours d’une suspension de séance, se montrant menaçant envers un député socialiste, Michael Bouloux. « Ma famille a été menacée ! Et ce sont des personnes de ton village ! », aurait lancé le premier au deuxième, selon Le Figaro.
Selon une source au MoDem, Nicolas Turquois s’est plaint auprès de Michael Bouloux des « menaces, insultes et coups de téléphone » reçus en raison de son opposition à l’abrogation de la réforme des retraites.
Le député LFI Antoine Léaument a également dit avoir été menacé par Nicolas Turquois, alors qu’il lui demandait de sortir. Le président du groupe MoDem Marc Fesneau est intervenu, ainsi que des huissiers, avant que M. Turquois ne finisse par quitter l’hémicycle. Antoine Léaument est revenu sur cet incident lors de la suite des débats, comme le montre cet extrait de son intervention publié sur son compte X.
À la reprise des débats, le président de séance Xavier Breton (LR) a fait savoir qu’il proposerait à la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet d’évoquer l’incident lors de la prochaine réunion du bureau de l’Assemblée en vue d’une sanction.